Rapport d'expédition décembre 2021 - par Amy McLeod

Début décembre 2021, nous sommes partis sur un voilier (le Pirata) de Puerto Ayora sur l'île de Santa Cruz. Le but principal de notre expédition était de trouver des colonies d'iguanes marins sur les îles du nord et de l'ouest de l'archipel, et de compter les iguanes qui s'y trouvent. Pour cela, nous avons collecté des photographies aériennes à l'aide de drones, ainsi que des enquêtes à pied et d'autres types de comptage. En outre, nous avons été rejoints par un étudiant en doctorat de l'université de Leipzig qui a profité de l'occasion pour collecter des échantillons pour un projet qui vise à mieux comprendre le régime alimentaire de l'iguane marin dans l'archipel; au total, nous étions six scientifiques et un équipage de bateau de cinq personnes. 

Le premier arrêt était l'île Genovesa, où nous avons trouvé un bon nombre d'iguanes sur la côte sud. Les iguanes ici sont les plus petits de toutes les sous-espèces, et les adultes font moins de 10% de la taille des adultes sur d'autres îles comme San Cristobal et Santa Cruz. Genovesa possède d'incroyables colonies d'oiseaux, et en plus des nombreux nids de fous de Nazca et de fous à pieds rouges, nous avons également vu de nombreux goélands, des oiseaux tropicaux et plusieurs hiboux des marais. 

(Image teaser : Dec 2021 Expeditions Team L-R Andres, Kat, Amy, Denisse, Gus et Andrea)

Notre prochain arrêt était Marchena, où la population d'iguanes marins reste très faible suite à l'éruption volcanique de 1991 (dont on pense qu'elle a eu un impact direct sur les colonies et a probablement affecté leur disponibilité alimentaire). La sous-espèce présente ici est considérée comme gravement menacée et, étant donné le très faible nombre d'iguanes que nous avons vus, le haut niveau de préoccupation est justifié. L'étude à pied sur Marchena est extrêmement difficile dans de nombreuses zones en raison de la roche de lave très inégale, pointue et cassante, et donc l'utilisation de drones a considérablement augmenté l'accessibilité dans de nombreuses zones.   

Après Marchena est venu Pinta. Nous y avons vu un nombre raisonnable d'iguanes (probablement quelques milliers) et une bonne population d'otaries des Galápagos. Sur Marchena comme sur Pinta, les faucons des Galápagos, principaux prédateurs des jeunes iguanes, semblaient assez nombreux et pourraient expliquer, au moins en partie, la nature capricieuse des iguanes marins sur ces îles.  

De Marchena, nous avons navigué pendant 14 heures jusqu'à l'île de Darwin, un endroit si éloigné qu'il est généralement omis des cartes de l'archipel.  En raison de la nature sensible de la faune sur cette île, nous n'avons pas été autorisés à faire voler des drones ici, et nous avons donc effectué nos enquêtes en utilisant de petits bateaux et des caméras avec des objectifs zoom. On nous a dit que nous devions nous attendre à trouver très peu d'iguanes marins (voire aucun) sur Darwin. Cependant, en faisant des relevés minutieux, nous en avons trouvé un bon nombre à un endroit. Ce rocher était quelque peu difficile d'accès (il fallait faire de l'escalade directement à partir d'un bateau pneumatique), mais nous avons réussi, et cela a valu la peine de faire le long voyage jusqu'à Darwin. 

De Darwin, nous nous sommes à nouveau dirigés vers le sud, vers Wolf. Wolf est une autre très petite île, avec des falaises abruptes et une mer agitée, ce qui rendait l'atterrissage des bateaux impossible dans la plupart des zones. Heureusement, l'enquête par drone a bien fonctionné, et nous en savons maintenant beaucoup plus sur cette petite population. Nous avons réussi à obtenir quelques échantillons ici, ce qui, avec ceux de Darwin, signifie que nous avons maintenant assez d'échantillons pour enfin en apprendre davantage sur cette sous-espèce peu connue. Les iguanes de Darwin et de Wolf sont très petits et sombres, comme ceux de Genovesa, mais nous devons encore voir dans quelle mesure ils sont distincts en termes génétiques.

De Wolf, nous avons navigué jusqu'à Punta Albemarle sur Isabela. Ici les iguanes sont beaucoup plus grands et plus nombreux, bien que ce ne soit pas encore une grande population pour Isabela, une île qui devrait être un des bastions de l'espèce. Ici, nous avons trouvé un iguane marin mâle âgé qui était marqué d'une perle dans la crête. A notre connaissance, un tel marquage n'a pas été fait depuis le début des années 1990, et nous essayons donc d'en savoir plus sur cet individu potentiellement très âgé en contactant les scientifiques qui ont fait le marquage à l'époque. Après Albemarle, nous avons navigué le long du Volcan Wolf (où vivent les iguanes terrestres roses), traversé l'équateur jusqu'à Punta Vincente Roca, qui est un endroit très spectaculaire. Ici, les iguanes sont des grimpeurs impressionnants et on peut les voir se détendre sur de hautes falaises verticales. A cet endroit, nous avons vu de nombreux jeunes iguanes, ce qui est toujours un signe très positif et que je n'ai malheureusement pas vu souvent. Cette population semble être forte et saine.  

Depuis Isabela, nous avons traversé le canal de Bolivar jusqu'à notre dernière île - la plus jeune et la plus occidentale des Galápagos - Fernandina. À Punta Espinosa, nous sommes arrivés pour trouver d'énormes tas d'iguanes se prélassant au soleil de l'après-midi. Le lendemain matin, nous avons vu un grand nombre d'entre eux sortir pour se nourrir. Les eaux froides et les fortes remontées d'eau autour de Fernandina alimentent une forte croissance des algues qui, à leur tour, soutiennent de grandes colonies d'iguanes marins en bonne santé et de grande taille. De là, nous avons longé la côte nord jusqu'à notre dernier arrêt - Cabo Douglas. Cette plage et les falaises environnantes sont spectaculaires, tout aussi impressionnant est le nombre énorme d'iguanes marins que l'on peut trouver sur les rochers, la plage, et nager - parfois surfer - dans la mer. C'est à cet endroit qu'a été filmée la fameuse séquence de la BBC montrant les éclosions d'iguanes marins poursuivies par des serpents à collier, et nous avons eu la chance de voir quelques serpents à collier explorer les rochers.  

A l'issue de cette expédition de 21 jours, nous avons collecté plus de 62 000 photographies aériennes, sur 186 sites répartis sur 7 îles. Nous ajoutons ces données à nos expéditions précédentes en 2019 et 2020, ce qui porte le nombre d'îles étudiées à 9 entièrement étudiées et 2 autres partiellement étudiées. En janvier 2022, nous prévoyons d'achever le travail de terrain lors d'une dernière saison d'enquête pour étudier les colonies restantes sur Fernandina et Isabela, ainsi que celles de Santa Cruz, Santiago et les petits îlots proches comme Rabida et Pinzon. Une fois analysé, nous sommes convaincus que ce travail fournira la première étude complète et détaillée de la population d'iguanes marins jamais entreprise, ce qui permettra une conservation efficace des 11 sous-espèces d'iguanes marins. De plus, la méthode que nous développons offrira un moyen beaucoup plus sûr d'accéder à de nombreuses colonies éloignées dans les îles, ce qui nous permettra de mieux surveiller cette espèce à l'avenir.